Poussée « sur les devants de la scène » par la crise sanitaire, la pratique du télétravail a fait grand débat ces dernières semaines.
Elle a d’ailleurs convaincu bon nombre d’employeurs, même des plus réticents, à pérenniser une forme de télétravail.
Côté salarié, malgré une mise en place en force majeure, intensive, peu organisée et à laquelle se surajoute la garde d’enfants, c’est le « carton plein ». 85 à 90 % souhaitent continuer à télétravailler.
Chez nous, en Haute-Savoie, les routes encombrées et le prix de l’immobilier sont autant d’arguments pour nous interroger sur cette pratique. D’autant que le télétravail est aujourd’hui demandé par les candidats à l’embauche.
Alors quelles leçons tirer de cette période intensive ? Mais surtout quels challenges sont à relever pour optimiser son organisation de travail ? Jean Pouly nous livre son regard d’expert.
Jean Monnet « les hommes ne voient le changement que dans la nécessité et la nécessité que dans la crise ».
Le 17 mars dernier, ce sont 5 millions de salariés soit ¼ de la population active, au lieu des 3% habituels qui se sont mis à télétravailler. Il convient de raisonner par tâches et non par poste. Certaines pratiques dans les entreprises visent à considérer certains postes, à tort, éligibles ou non au télétravail.
On l’entend assez, nous vivons dans une culture du présentéisme en France. De quoi casser ce mythe : les différentes études menées avant la crise, démontraient que les télétravailleurs travaillaient plus, voire même, selon conditions, étaient plus productifs qu’en présentiel.
C’est d’ailleurs là un point de vigilance : les télétravailleurs, surtout les femmes, se sont mis en danger avec une organisation personnelle chargée pendant le confinement.
Ce n’est pas parce qu’on est présent au bureau que l’on travaille et inversement ! Le management français basé sur l’emprise et le contrôle nécessite d’être dépoussiéré, pour évoluer sur un management basé sur la confiance.
Dans tous les cas, nous ne pouvons peut plus dire que la présence au bureau soit une garantie de travail ! Même s’il faut faire attention : tout n’est pas « télétravaillable ».
Malgré, les difficultés à télétravailler pour certains, 85 à 90 % des répondant aux différentes enquêtes veulent continuer après la crise.
La vraie question est comment répondre à cette demande sans frustrer les salariés et retrouver un équilibre ? Si les entreprises prévoient un « retour sec au bureau », le risque est de voir partir les meilleurs et de démotiver ceux qui se sont investis pendant le confinement. Quant à l’équilibre à retrouver, le retour au bureau est important : pour le travail collectif, la cohésion d’équipe notamment.
Il ressort des études, que le gain n°1 à télétravailler est d’éviter les déplacements et de gagner en temps de sommeil. Des leviers forts en faveur de la qualité de vie au travail et de la performance.
Vous peinez encore à convaincre le comité de direction de mettre en place cette pratique ? Parlez donc de l’immobilier flexible : en changeant l’organisation du télétravail, les locaux pourront être largement optimisés. Tout est question de choix du bon scénario ! Mais lequel choisir ?
En fait, il n’y a pas de scénario « magique », le tout c’est de réfléchir aux nouvelles configurations possibles et de les accompagner. Dans tout cela, les configurations des bureaux vont forcément évoluer.
Retrouvez "les challenges de demain" après cette vidéo
https://www.youtube.com/watch?v=mRQSf-V_kDU
Le bureau traditionnel à 100 % va sans doute disparaître, par quoi le remplace-t-on ?
Pour Jean Pouly, le résultat final peut être une charte mais le processus pour y arriver est le plus important. Plus le cadre va être compris et ajusté collectivement, plus il va être performant. Le conseil donc : impliquez vos salariés dans la construction de ce cadre, interrogez-les sur la période de confinement, sur leur idée du télétravail …
C’est ça qui a le plus souffert de ce télétravail intensif, car les outils numériques dégradent la relation.
Selon Boris Cyrulnik : les relations humaines apaisent les angoisses. Il y a quelque chose de très humain à se voir. Le travail est aussi un lieu de socialisation ce n’est pas qu’un ensemble de tâches.
On peut s’inspirer des entreprises 100% à distance déjà et qui ont dû repenser leur cohésion d’équipe.
Jean Pouly distingue ce qui relève du « télérobuste », de ce qui relève du « téléfragile »
A chaque organisation de définir ce qui est robuste de ce qui est fragile … donc repenser le travail en se posant les questions suivantes : Comment organiser le travail à distance ? Qu’est-ce qu’on vient faire au bureau ? Quel mobilier pour répondre à cette nouvelle organisation ?
Parfois, le télétravail peut être un refuge voire une fuite du manager ou du collectif. Dans ce cas le télétravail n’est pas une solution.
Même si la relation fonctionne, la distance change les rapports. Il y a possibilité de sur-interpréter les comportements de ses collaborateurs. Ne pas avoir de réponse d’un collaborateur, par exemple, n’est pas forcément un signe de son désengagement. De la même façon, surcharger le collaborateur de mails ou de visioconférences pour s’assurer de maintenir le lien peut être vécu comme du « flicage ». Réorganiser les échanges et poser un nouveau cadre contribue à éviter ce genre de dérive.
Aujourd’hui, le « télétravail » est un peu dépassé, quand j’envoie un mail au collègue du bureau d’à côté je télétravaille en fait ... A ce stade vous me direz : mais alors à quoi sert cet article ?!?
A introduire le « Smart work » bien sûr ! Le « smart working » est le nouveau concept anglo-saxon qui vise à rendre l’entreprise plus chaleureuse et les conditions de travail plus flexibles. L’objectif : développer l’engagement et l’implication des collaborateurs dans la vie de l’entreprise. Ceci en favorisant l’émergence de nouveaux modes de travail, en veillant à un environnement de travail agréable et tourné vers le bien-être pour le bénéfice des collaborateurs mais aussi de l’entreprise. En résumé cela signifie agir en tirant profit de ces opportunités, ce qui va plus loin que le télétravail.
Ça va prendre du temps pour que cette prise de conscience de cette nouvelle façon de travailler soit efficiente mais nous y arriverons !
Parce qu’ils n’étaient pas classables mais qu’ils méritaient toute notre attention, voici 2 autres points clefs mis en avant par Jean Pouly, que j’appellerai « leçons d’empathie ».
Contenu issu de la rencontre du Club RH du 09.06.20 animée par Jean Pouly.
Jean Pouly est consultant-expert en télétravail au sein du cabinet Econum.
Il est également co-fondateur de GOWO, catalyseur des nouvelles formes de travail pour les entreprises et les territoires. GOWO permet à une organisation de disposer d’un espace en ligne dédié, pour offrir le lieu de travail idéal à ses collaborateurs, connecter les équipes, piloter et optimiser les déplacements et l'immobilier d'entreprise.
jean.pouly@econum.fr